Quelques rappels…
Un produit de contraste est une substance injectable ou ingérable utilisée en imagerie médicale pour augmenter artificiellement le faible contraste naturel de certains tissus afin d’améliorer la visualisation des organes explorés. Il existe plusieurs catégories de produit de contraste. Les plus utilisés actuellement sont les produits de contraste iodés (PCI) notamment utilisés en TDM et les produits de contraste gadolinés (PCG) utilisés en IRM [1].
Les PCI sont constitués de 3 atomes d’iode fixés sur 1 ou 2 cycles benzéniques [2]. On distingue aujourd’hui 2 types de PCI en fonction de
leur osmolalité :
- Les PCI dits classiques ou PCI de haute osmolalité (tableau 1) sont des monomères (1 seul cycle benzénique) ioniques, c’est à dire associés à un cation sodium ou méglumine. En milieu aqueux, ces PCI se dissocient en deux particules, le cycle benzénique d’une part, le cation d’autre part, ce qui double leur osmolalité. Pour atteindre une quantité d’iode suffisante pour l’opacification radiologique, environ 300 mg d’iode/mL, ils doivent avoir une osmolalité environ 5 à 6 fois supérieure (1530 mosm/kg à 1860 mosm/kg) à celle du sang circulant (environ 300 mosm/kg).
- Les PCI dits de nouvelle génération (tableau 1) ont une osmolalité identique ou au plus 2 fois supérieure à celle du sang. Il s’agit pour la plupart de monomères non ioniques (ne nécessitant plus la présence du cation sodium) ou alors de dimères non ioniques (2 cycles benzéniques reliés ensemble, chacun portant 3 atomes d’iode, ce qui double la quantité d’iode par molécule par rapport aux PCI de haute osmolalité). Ces PCI entraînent moins d’effets indésirables liés à l’osmolalité par rapport aux PCI classiques. Comme l’indiquait la Haute Autorité de Santé (HAS) dans sa dernière réévaluation des PCI administrés par voie vasculaire en 2013 [2], les PCI s’accompagnent d’effets indésirables à type de douleur au point d’injection, de sensation de chaleur, de complications cardiovasculaires (hypotension, angor, etc.) ou rénales. Quelle que soit leur osmolalité, ces produits peuvent donner lieu à des réactions graves d’hypersensibilité immédiate avec potentiellement choc cardiovasculaire, en particulier chez des patients présentant un terrain atopique ou un asthme non équilibré.
Les réactions d’hypersensibilité retardée aux PCI sont plus fréquentes que les réactions immédiates [3], bien que moins connues des cliniciens car elles surviennent généralement une fois les patients rentrés à domicile, le PCI n’étant alors pas incriminé en premier lieu.
De façon globale, les réactions d’hypersensibilité immédiate aux PCI sont décrites comme survenant dans l’heure suivant l’injection du PCI et les réactions retardées comme survenant entre 1 heure et 7 jours après
l’injection.
Présentation clinique, gravité, prise en charge et évolution des réaction d’hypersensibilité retardées aux PCI
La présentation clinique typique de la réaction d’hypersensibilité retardée aux PCI est un exanthème maculopapuleux touchant le tronc et les membres, possiblement associé à un œdème et un prurit ; ce type de réaction serait médié par les lymphocytes T (figure 1). La série de Sutton et al., un peu ancienne (2003), décrit une symptomatologie un peu différente avec une atteinte cutanée du visage, des paumes des mains et plantes des pieds, évoluant vers une desquamation [6]. Ces réactions sont en général sans critère de gravité, avec une disparition des lésions en 7 jours avec traitement par antihistaminiques, dermocorticoïdes et émollients [6-8]. Cependant, quelques cas graves de réaction retardée ont été déclarés pour tous les PCI, à savoir des pustuloses exanthématiques aigues généralisées (PEAG), des syndromes d’hypersensibilité médicamenteuse (DRESS) ou des réactions de type Stevens-Johnson/Lyell [9 -10].
Tests dermato-allergologiques et risque de réactions croisées
Comme dans le cas des réactions immédiates aux PCI, des tests cutanés (patch-tests et tests intradermiques) sont proposés pour confirmer le diagnostic de réaction d’hypersensibilité retardée allergique à la molécule suspectée et proposer des alternatives [8-10]. Ces tests, de bonne valeur prédictive, sont à faire entre 1 et 6 mois après la réaction cutanée. Quand un PCI est réintroduit (différent du produit en cause dans la réaction initiale), une récurrence plus grave de la réaction cutanée est très rare mais possible [7, 9]. Des auteurs ont proposé une classification des PCI selon les résultats de tests cutanés après réactions cutanées tardives (tableau 2). Trois sous-groupes sont proposés, estimant que le risque de réactions croisées est élevé entre les PCI du même sous-groupe mais peu élevé entre
PCI de sous-groupes différents [9-10].
Facteurs de risque de réaction d’hypersensibilité retardée aux PCI
Parmi les facteurs de risque de survenue de réactions cutanées retardées, sont cités les PCI non-ioniques dimères (iso osmolaire), comme Visipaque®
(iodixanol), par rapport aux non-ioniques monomères [7]. Des séries cliniques plus récentes montrent effectivement un risque de réaction cutanée retardée après administration de Visipaque® deux fois plus élevé qu’avec des PCI non-ioniques monomères, comme le iopromide ULTRAVIST® [11] ou le ioversol OPTIRAY® [3]. Les autres facteurs de risque retrouvés le plus fréquemment dans la littérature sont : un antécédent de réaction à un PCI (mais une réaction immédiate ne semble pas être un facteur de risque de survenue d’une réaction retardée, et vice versa) [5, 7], un antécédent d’allergie (le plus souvent allergie retardée de contact ou systémique à un médicament notamment) [7, 12], un traitement par interleukine 2 [7].
Au total
Les PCI peuvent entraîner des réactions d’hypersensibilité retardée, plus fréquentes que les réactions immédiates. Ces réactions ne présentent généralement pas de critères de gravité mais des cas de toxidermie sévère ont pu être observés. L’iodixanol (Visipaque®) semble être le PCI le plus à risque. La réalisation de tests cutanés permet de confirmer la nature allergique de la réaction et de proposer des alternatives, des réactions croisées restant néanmoins possibles, bien que rares.
Bibliographie
- https://pharmacomedicale.org/medicaments/par-specialites/item/produits-de-contraste-et-medicaments-radio-pharmaceutiques
- https://www.has-sante.fr/plugins/ModuleXitiKLEE/types/FileDocument/doXiti.jsp?id=c_1622437
- Sohn KH et al. Immediate and delayed hypersensitivity after intra-arterial injection of iodinated contrast media: a prospective study in patients with coronary angiography. Eur
Radiol 2019 Apr 1. doi: 10.1007/s00330-019-06138-3. - Bircher AJ et al. Late elicitation of maculopapular exanthemas to iodinated contrast media after first exposure. Ann Allergy Asthma Immunol 2013; 111(6): 576-7.
- Brockow K. Immediate and Delayed Cutaneous Reactions to Radiocontrast Media. Chem Immunol Allergy. Basel, Karger, 2012, vol 97, pp 180–190.
- Sutton AG et al. Early and late reactions following the use of iopamidol 340, iomeprol 350 and iodixanol 320 in cardiac catheterization. J Invasive Cardiol 2003; 15(3): 133-8.
- Bellin MF et al; Contrast Media Safety Committee of European Society of Urogenital Radiology (ESUR). Late adverse reactions to intravascular iodine based contrast media: an
update. Eur Radiol 2011; 21(11): 2305-10. - Corbaux C et al. Delayed cutaneous hypersensitivity reactions to iodinated contrast media. Eur J Dermatol 2017; 27(2): 190-191.
- Schrijvers R et al. Skin Testing for Suspected Iodinated Contrast Media Hypersensitivity. J Allergy Clin Immunol Pract 2018; 6(4): 1246-1254.