Les déclarations reçues via le portail des signalements sont-elles utilisables pour l’émission de signaux de pharmacovigilance ?

La mission principale des Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPV) est d’identifier, parmi les déclarations et les questions qu’ils reçoivent, de nouveaux signaux potentiels de sécurité concernant l’utilisation des médicaments et de les transmettre à l’Agence Nationale de Sécurité des Médicaments et des produits de santé (ANSM). Ainsi, ce n’est pas tant la quantité de déclarations d’effets indésirables médicamenteux qui est importante, mais leur qualité. En effet, un signal de pharmacovigilance ne peut être validé par les autorités, que s’il repose sur un ou plusieurs cas très bien documentés. Pour ce faire, les déclarations doivent contenir les informations suffisantes pour que le pharmacovigilant, qui est un pharmacologue clinicien, puisse évaluer le lien entre l’effet et le médicament. Ces informations importantes sont les caractéristiques et les antécédents du patient, l’histoire médicale avec le délai de survenue des symptômes, les données cliniques disponibles et notamment le diagnostic le plus probable, les diagnostics différentiels éliminés, les résultats des examens complémentaires (biologie, imagerie…), la prise en charge et l’évolution.

A ce jour la notification spontanée des effets indésirables médicamenteux reste le meilleur outil de détection de signaux de pharmacovigilance. Depuis 2017, le portail de signalement des événements sanitaires indésirables, y compris liés aux médicaments, est opérationnel en France (https://signalement.social-sante.gouv.fr/ ). Ce portail permet de faire facilement une déclaration dématérialisée directement à votre CRPV. Toutefois, le formulaire n’encourage pas clairement à fournir suffisamment de détails cliniques et à joindre des documents additionnels, alors que ces éléments sont très importants. C’est pourquoi les CRPV doivent souvent revenir vers les déclarants pour leur demander ces informations complémentaires

Une étude récente, réalisée par le CRPV de Dijon en lien avec le réseau des CRPV, a ainsi comparé la documentation initiale de cas transmis via ce portail de déclaration à ces mêmes cas après transmission à l’ANSM via la Base Française de Pharmacovigilance. L’exemple des déclarations de myocardites après vaccination contre la Covid19 a été choisi car elles ont largement contribué à la validation de ce signal de pharmacovigilance au niveau européen en 2021.

Ainsi, 43 cas de myocardite en lien avec un vaccin à ARNm déclarés via le portail de signalement ont été évalués au cours de cette étude. Ils avaient été déclarés majoritairement par un professionnel de santé (81%), le plus souvent libéral (63%). Selon des critères prédéfinis, seuls 6 (14%) étaient considérés initialement comme « bien documentés », 31 (72%) « Insuffisamment documentés » et 6 (14%) « non documentés ». Dans 12% des cas, seuls les symptômes étaient décrits et le diagnostic final ne figurait pas dans la déclaration. Dans 74% des cas, le CRPV est revenu vers le déclarant afin d’obtenir des informations complémentaires permettant d’améliorer la qualité du signalement et le rendre exploitable pour son évaluation clinique. Ainsi, parmi les 37 cas (86%) classés au final en myocardite « confirmée » ou « probable » (selon la classification de Brighton), seuls 10 (27%) étaient initialement suffisamment documentés.

Cette étude permet d’illustrer le travail de documentation clinique important et indispensable réalisé tous les jours par les CRPV sur les déclarations transmises par le portail de signalement pour conduire à l’identification et la validation d’un signal de pharmacovigilance.

Référence :

Grandvuillemin A, et al. Are clinical data from spontaneous pharmacovigilance reports transmitted via the Ministry of Health’s web portal sufficient to generate a signal without further documentation? Therapies 2023, https://doi.org/10.1016/j.therap.2023.10.006

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