Article extrait du bulletin BIP Occitanie Juin 2020
Les extravasations sont des événements indésirables liés à une injection ou à une fuite accidentelle inappropriée et non intentionnelle d’un médicament irritant ou vésicant sous forme liquide dans les espaces péri-vasculaires ou sous-cutanés plutôt que dans le compartiment vasculaire cible. Souvent sous-estimés, ils sont pourtant associés à une morbi-mortalité non négligeable.
L’équipe pharmaceutique du CHU de Limoges a récemment publié une revue s’intéressant aux extravasations des médicaments non-cytotoxiques afin d’identifier les médicaments et les facteurs de risque (Ann Pharmacother, 2020 Feb 13). Les auteurs rappellent que de nombreux médicaments utilisés au quotidien peuvent être responsables d’événements indésirables graves lors d’extravasation : vancomycine, nutrition parentérale, furosémide, valproate de sodium 100mg/ml, adrénaline/noradrénaline, etc.
Dans 25% des cas, les complications de l’extravasation peuvent être plus sérieuses que la pathologie initiale.
Les différents mécanismes de toxicité peuvent être:
- une toxicité « mécanique » : liée à un grand volume de liquide dans l’espace sous-cutané, pouvant aboutir par compression à l’altération des structures environnantes « syndrome des loges » ;
- une toxicité « physicochimique » : produits acides (ex : métronidazole, vancomycine, nutrition parentérale…), basiques (ex : furosémide, acyclovir/ganciclovir, …) ou encore des concentrations hyperosmolaires (ex : dextrose 200 ou 300 mg/ml, bicarbonate de sodium 42.84 mg/ml, valproate de sodium 100 mg/ml …) ;
- des propriétés « vasopressives » des substances utilisées (ex : adrénaline/noradrénaline, dobutamine, phényléphrine, bleu de méthylène, …), responsables d’une ischémie potentielle pouvant évoluer vers une nécrose des tissus.
Cette étude souligne l’importance d’un diagnostic précoce (en sensibilisant les équipes soignantes – formées à reconnaitre les symptômes annonciateurs – à l’importance d’une surveillance rapprochée) et détaille différents facteurs de risque relatifs aux patients (âge, peau de couleur foncée, neuropathies, troubles vasculaires préexistants), aux professionnels de santé (défaut d’information sur les produits à risque, multiples voies d’injection,…) ou encore à la voie d’administration et le débit choisis.
Dans tout établissement de santé ou en pratique libérale, des procédures dédiées pour limiter le risque et les conséquences en cas d’extravasation doivent être mises en place.
Les Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) mettent à disposition une fiche actualisée récapitulant la marche à suivre lors d’extravasation, les mesures spécifiques non pharmacologiques et pharmacologiques pouvant être entreprises ainsi qu’une liste non exhaustive des principaux médicaments irritants/vésicants (https://pharmacie.hug-ge.ch/infomedic/utilismedic/extravasation_non_cyto.pdf).
En conclusion, les extravasations d’agents non cytotoxiques demeurent des situations synonymes de morbidité et mortalité pour les patients. Cette revue récente à garder sous la main peut alors fournir des éléments de réponse dans l’aide à la prise en charge par les équipes de soin.