Article extrait du bulletin VIGINEWS 7 des CRPV d’Angers et de Nantes

Epidémiologie: Des données américaines publiées en 2008 ont montré u’en milieu hospitalier l’insuline était le médicament le plus fréquemment impliqué dans les erreurs médicamenteuses avec effet indésirable grave, représentant 16% de ces signalements (1). En France, un bilan a été réalisé par l’ANSM sur les signalements d’erreurs médicamenteuses avec l’insuline reçus entre 1985 et 2014. Au total, 129 signalements ont été enregistrés dont 114 étaient des erreurs avérées, (médicament administré au patient).

Parmi les erreurs avérées, 73% ont entraîné un effet indésirable, le plus souvent catégorisé comme grave. Les données françaises montrent que les erreurs ne surviennent pas qu’en établissement de santé puisqu’un tiers des signalements concernaient la ville (2). Ce bilan objective également l’importante sous-notification eu égard au faible nombre de signalements alors que l’insuline est un médicament couramment utilisé.

Types d’erreur

Toutes les étapes du circuit du médicament sont à risque et les erreurs d’administration avec l’insuline font partie de la liste des évènements indésirables graves qui ne devraient jamais arriver définie par l’ ANSM. Les différents types d’erreurs principalement retrouvés sont :

  • L’erreur de médicament du fait de la similitude avec d’autres médicaments, notamment pour les formes flacons d’insuline, ou du fait de la confusion entre les noms de spécialités (8 DCI, 4 formes pharmaceutiques soit 43 spécialités commercialisées à ce jour) ou le type d’insuline (insuline ultra-rapide, rapide, lente, semi-lente plus les mélanges d’insuline) ;
  • L’administration d’un dosage inadéquat. Les prescriptions manuscrites peuvent être à risque avec les ambiguïtés concernant l’abréviation d’« unités internationales » notée « UI » : le « U » mal écrit peut être interprété comme un 0 et le « I » comme un 1. La mauvaise utilisationdes dispositifs d’administration d’insuline comme l’utilisation de seringue à tuberculine au lieu des seringues à insuline graduées en UI est un autre facteur de risque ;
  • L’omission de doses
  • La surveillance incorrecte du patient e.g. une erreur d’interprétation de la glycémie sur le lecteur de glycémie (confusion entre mg/ dL et mmol/L). Le risque d’erreur est accru depuis la commercialisation de spécialités d’insulines fortement concentrées.

En 2000, l’Organisation Mondiale de la Santé a recommandé l’uniformisation de la concentration des insulines commercialisées en flacon à une concentration de 100 UI/mL afin de diminuer les risques de confusion avec les flacons d’insuline 40 UI/mL co-existants à l’époque.

Cependant depuis 2013, trois insulines concentrées ont été commercialisées en France sous forme de stylos : TRESIBA® à 200 UI/mL (insuline degludec), HUMALOG® à 200 UI/ mL (insuline lispro) et TOUJEO® à 300 UI/mL (insuline glargine). Les erreurs sont liées à des tentatives de conversion non justifiées, à des prélèvements dans les stylos ou à des erreurs de prescription.

Mesures préventives

La sensibilisation à la déclaration des erreurs médicamenteuses et à leur analyse collective est essentielle. Cette analyse permettra de caractériser l’erreur et d’en définir les causes (erreur de pratique, erreur d’utilisation, défaut d’information, similitude des conditionnements) et d’envisager la mise en place d’outils empêchant sa récidive. Les OMEDIT proposent certains outils comme un module de e-learning sur la prévention des erreurs médicamenteuses liées aux insulines (4) ou une plaquette reprenant l’ensemble des insulines commercialisées selon la DCI, le type d’action, la forme pharmaceutique et rappelant des informations de bon usage (5).

La remontée des erreurs via le réseau des CRPV permet plus spécifiquement de mettre en évidence les erreurs pour lesquelles le médicament a été un facteur contributif (dénomination, conditionnement, étiquetage, manque de clarté de la notice, etc…) et d’aboutir à la prise de mesures au niveau national permettant de sécuriser l’utilisation du médicament. Le potentiel iatrogène de l’insuline est élevé avec des conséquences qui sont souvent sévères et parfois d’issue fatale. La réglementation impose aux établissements de santé la mise en place d’actions préventives de façon prioritaire, mais les erreurs surviennent aussi en soins primaires et l’ensemble des professionnels de santé est concerné. La sensibilisation de l’ensemble des acteurs, y compris les patients, à la déclaration des erreurs médicamenteuses au réseau de pharmacovigilance ou aux cellules de gestion de risque des établissements (selon les cas) est essentielle. Le fait de déclarer une erreur avérée, une erreur potentielle ou un risque d’erreur est utile pour mettre en place des mesures correctives et réduire le risque de récidive de cet évènement indésirable.

Références

1 Pennsylvania Patient Safety Authority. Focus on high-alert medications. Pa Patient Saf Advis. 2004;1(3):6.

2 ANSM, Groupe de travail Erreurs Médicamenteuses. 2014. www.ansm.sante.fr

3 ISMP, Guidelines for Optimizing Safe Subcutaneous Insulin Use in Adults. 2017. www.ismp.org

4 http://www.omedit-centre.fr/insuline_web_gen_web/co/Insuline_Never_Event_web.html |

5http://www.omeditbretagne.fr/lrportal/documents/138946/253674/Plaquette_info_ insuline_14062018.pdf/db1af814-f281-4b55-9534-de2a93e20a3a

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