Article extrait du bulletin VIGINEWS n°8 des CRPV d’Angers et de Nantes

Selon leur efficacité antalgique, les opioïdes peuvent être classés en opioïdes dits « faibles » pour les douleurs modérées (niveau 2 OMS) et en opioïdes dits « forts » pour les douleurs modérées à fortes (niveau 3 OMS).

Codéine (opioïde « faible » – niveau 2 OMS)
La codéine est commercialisée sous forme associée au paracétamol ± aspirine ± ibuprofène dans plusieurs spécialités. Les données portant sur les nouveau-nés exposés à la codéine au 1ier trimestre sont nombreuses et n’ont pas mis en évidence d’augmentation du risque de malformation, de prématurité ou de faible poids à la naissance. La possibilité d’une faible augmentation des malformations cardiaques a été soulevée par des études de cohorte et de surveillance.
Une étude cas-témoin de 2011 de Broussard et al. a mis en évidence une faible association entre la prise d’opioïdes au 1er trimestre et le risque malformatif durant l’organogénèse (malformations cardiaques, spina bifida…) (OR (IC95%) : 1,8 à 2,7). Les opioïdes les plus représentés étaient la codéine (34,5%), l’hydrocodone (34,5%) et l’oxycodone (14,4%). Les auteurs concluent que ce risque était d’une augmentation modeste par rapport au risque de base des anomalies congénitales (2 à 3%). De plus, le biais de mémorisation est important dans cette étude. Ces données ne sont pas confirmées à ce jour.
A proximité du terme, il est conseillé de limiter la posologie et la durée de traitement en raison du risque de dépression respiratoire néonatale et de syndrome de sevrage survenant notamment lors d’une utilisation chronique de la codéine à dose thérapeutique. Le syndrome de sevrage apparait généralement dans les 24 à 72 premières heures de vie et se manifeste par des signes neurologiques (agitation, hyperexcitabilité, cris aigus, trouble du sommeil, trémulations, hypertonie) et des signes digestifs (succion inefficace, régurgitations, vomissements, diarrhées). Dans ce cas, une surveillance attentive du nouveau-né les premiers jours de vie est nécessaire.

La codéine, en prise ponctuelle est le traitement de 1ère intention durant la grossesse lorsqu’un antalgique de palier II est nécessaire.

Tramadol (opioïdes « faibles » – niveau 2 OMS)
Le tramadol est commercialisé seul ou associé à du paracétamol ou du dexkétoprofène dans différentes spécialités. Ses effets analgésiques opioïdes à action centrale sont également associés à l’inhibition de la recapture neuronale de noradrénaline et à l’augmentation de la libération de sérotonine. Il passe la barrière placentaire. Les concentrations néonatales et maternelles sont équivalentes. Concernant le risque malformatif du tramadol, peu de données sont disponibles chez l’Homme mais à ce jour aucun élément inquiétant n’est publié. Les études de tératogénicité réalisées sur le Rat et la Souris n’ont pas mis en évidence d’augmentation du risque malformatif. En cas de traitement prolongé jusqu’à l’accouchement, le tramadol pris à dose thérapeutique peut entraîner une dépression respiratoire et un syndrome de sevrage néonatal identique à celui décrit pour la codéine, en raison de sa composante opioïde. Il est préférable de ne pas utiliser de tramadol durant la grossesse en raison du manque de données pertinentes.

Opium (opioïdes « faibles » – niveau 2 OMS)
Les données sont peu nombreuses, mais sans risque identifié en cas d’exposition en début de grossesse. Ses effets étant attribués à la morphine, les données pourraient être extrapolées à celle-ci, sans risque tératogène identifié mais pouvant être à l’origine de signes d’imprégnation ou d’un sevrage néonatal en cas de prise en fin de grossesse.
La poudre d’opium, présente dans les spécialités LAMALINE® (opium,
paracétamol, codéine) et IZALGI®(opium, paracétamol) est déconseillée durant la grossesse en raison du manque de données.

Morphine et ses dérivés (opioïdes « forts » – niveau 3 OMS)
Les données chez les femmes exposées à la morphine au 1er trimestre de grossesse sont nombreuses et le recul est important. Aucun effet malformatif particulier de la morphine n’est apparu à ce jour.
Le fentanyl, l’oxycodone et l’hydromorphone franchissent la barrière placentaire. Les données sur le risque malformatif sont peu nombreuses à ce jour et sont insuffisamment pertinentes pour garantir leurs innocuités
durant la grossesse. En conséquence, ces 3 molécules sont déconseillées durant la grossesse.

Quel que soit l’opioïde prescrit, en cas de traitement prolongé et/ou de fortes doses jusqu’à l’accouchement, ils peuvent entraîner une dépression respiratoire et un syndrome de sevrage néonatal identique à celui décrit pour la codéine. Si un antalgique de palier III est nécessaire chez une femme enceinte, la morphine, en prise ponctuelle de préférence est le traitement de 1ère intention, les autres morphiniques sont déconseillés par manque de données pertinentes.

Références bibliographiques

  • Fereira E, Martin B, Morin C. Grossesse et allaitement guide thérapeutique 2ème ed 2013, ed du CHU Sainte Justine, Montréal ISBN 978-2-89619-606-7
  • CRAT : centre de référence sur les agents tératogènes. https://lecrat.fr/ dernière consultation le 05 décembre 2019
  • GG.Briggs, et al. Drug in pregnancy and lactation 11th edition. Philadelphia : Wolters Kluwer Health; 2017
  • Micromedex/Drugdex: www.thomsonhc.com/hcs/librarian consulté le 23 septembre 2019
  • Schaefer C, et al. Drug during pregnancy and lactation 3th edition. Oxford : Elsevier ; 2015
  • Broussard, et al. Maternal treatment with opioid analgesics and risk of birth defects. Am J Obstet Gynecol 2011 ; 204 :314-7

Consultez l’article sur article sur antalgiques non opioïdes et grossesse dans Viginews n°7

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