Les effets indésirables musculaires pouvant être liés à la prise de statines sont bien connus (myalgies, crampes musculaires, élévations des CPK, rhabdomyolyses) qui peuvent être sévères et dans de très rares cas d’évolution fatale. Le mécanisme en est mal connu. Il s’agirait d’une conséquence du mode d’action de ces médicaments (inhibition de l’HMG-CoA réductase, enzyme clé de la synthèse du cholestérol) dont résulterait une diminution de la synthèse des ubiquinones dont le coenzyme Q10 (indispensables au métabolisme énergétique mito-chondrial).
Beaucoup plus rarement, il semble que l’on puisse observer l’apparition sous statines de pathologies auto-immun,et d’après des publications récentes, de myasthénies, notion qui ne figure pas encore dans le RCP de ces médicaments.
Le CRPV d’Amiens a évalué cette problèmatique avec une analyse de la base de données de pharmacovigilance de l’OMS (1). Sur les 184 284 déclarations d’effets indésirables imputés à une statine, 169 correspondaient à une myasthénie. Ces cas ont fait l’objet d’une analyse cas-non cas (statines versus autres médicaments que statines). L’odds ratio rapporté (ROR) est en faveur d’une association entre myasthénie et statine de 2,66 (intervalle de confiance 95 %, 2,28 – 3,10) donc tout à fait significatif. Les cas étaient rapportés avec toutes les statines (plus fréquents pour la cérivastatine qui a été retirée du marché du fait de sa toxicité musculaire). Pour l’instant, seuls des cas cliniques suggestifs (le plus ancien publié en 2000) étaient publiés (apparition ou exacerbation de myasthénie avec souvent mise en évidence d’anticorps anti-récepteurs de l’acétylcholine).
Le cas clinique notifié au CRPV d’Amiens et qui avait justifié cette analyse de la base de l’OMS concernait un patient âgé de 56 ans qui a développé une diplopie avec ptosis sous atorvastatine (traitement commencé trois mois plus tôt). Le bilan neurologique clinique et paraclinique amenait à conclure à une myasthénie (mais sans anticorps anti récepteurs de l’acétylcholine). Un traitement par ambénonium (Mytelase®) est instauré, inefficace. Ensuite, efficacité très modérée d’une cortico-thérapie. Six mois plus tard, la relation possible à la prise d’une statine étant évoquée, celle-ci est inter-rompue. Il s’en est suivi une disparition rapide de la diplopie, du ptosis et de la fatigue musculaire.
Ce cas et l’analyse des données disponibles dans la littérature et dans la base de pharmacovigilance ont été soumis à l’ANSM qui a demandé à l’Agence Européenne du médicament à harmoniser les RCP des statines en y faisant figurer cet effet indésirable.
Au total, il faut savoir évoquer le rôle d’une statine en cas de survenue d’une myasthénie ou de son aggravation.
Références
1- Gras-Champel V, Batteux B, Masmoudi K, Liabeuf S. Statin-induced myasthenia : a disproportionality analysis of the WHO’S. VigiBase Pharma-covigilance database. Muscle Nerve 2019 ; 60 : 382-6.
2- Gras-Champel V, Masmoudi I, Batteux B, Merle PE, Liabeuf S, Masmoudi K. Statin-associated myasthenia, a case report and literature review. Thera-pies 2020 ; 75 : 225-38.